Résumé de l’Inforoute québécoise

Résumé du Mémoire déposé par l’Institut canadien d’éducation des adultes à la Commission de la Culture sur les Enjeux du développement de l’inforoute québécoise.

Préparé par Francine Pelletier et Lina Trudel, 3 septembre 1996

Dans ce mémoire, l’Institut propose un ensemble de pistes d’orientation et de moyens visant à faire de l’inforoute québécoise une véritable voie royale pour le développement et la démocratisation de notre société. Dans ce mémoire, nous avons donc traité essentiellement des questions relatives à l’accessibilité à la participation des citoyens ainsi qu’à la culture et à l’éducation.

L’accessibilité

L’accessibilité se situe au coeur des enjeux et elle porte une double injonction: en plus d’assurer l’universalité d’accès aux équipements, il importe aussi de garantir l’accès aux services et aux contenus essentiels pour le développement des personnes et des collectivités.
À cet égard, trois obstacles doivent être surveillés de très près: la multiplication des sites à «valeur ajoutée» payants, la multiplication de «poste de péage» et la concentration des fournisseurs de contenus et d’accès à l’inforoute.

Pour assurer une véritable démocratisation de l’accès à l’inforoute, l’ICEA propose la mise en oeuvre d’un chantier visant l’implantation d’un service de base qui favoriserait l’accès aux outils de communication et aux services d’information et de contenus à «valeur ajoutée» ainsi qu’à des services publics de formation initiale et continue L’ICEA pense aussi qu’il faut multiplier les points d’accès publics dans les écoles, bibliothèques et organismes socio-comunautaires, etc.

Accroître la participation – éviter le contrôle

Le droit à la communication constitue un élément-clé de la démocratisation des inforoutes. La démocratie électronique doit en effet dépasser la simple possibilité d’enregistrer son vote ou son accord ou désaccord sur un projet de loi. L’inforoute pourrait être utilisée par les pouvoirs publics pour améliorer l’information des citoyens, recevoir leurs commentaires et les inciter à participer à des discussions publiques dont celles portant sur l’implantation de mécanismes de contrôle et de collecte d’informations sur les citoyens.

L’ICEA propose, à cet égard, la création d’un forum public permanent visant l’évaluation préalable des projets de développement de l’inforoute: signature électronique, la mise sur pied d’un service de base, l’élaboration de code de déontologie et règlements, l’encryptage, etc.

L’éducation et l’appropriation

La capacité des personnes d’utiliser les nouvelles technologies pour accroître leur potentiel nécessite le renforcement de compétences fondamentales beaucoup plus que techniques: apprendre à apprendre, à traiter l’information, à porter des jugements critiques et à développer sa créativité. L’éducation pour une réelle appropriation technologique constitue donc une des premières priorités.
De plus, le renouvellement rapide des connaissances et technologies oblige désormais des aller-retour constants entre l’éducation et le travail. L’inforoute nous ouvre à cet égard tout un univers de possibilité quant à l’information et à l’acquisition continue des connaissances.
L’Institut propose donc que l’État soutienne et encourage la création d’un partenariat entre les institutions d’enseignement, Télé-Québec et les réseaux d’éducation non formelle en vue de la création d’un réseau intégré de formation à distance multimédia et inter-ordre d’enseignement.

Le défi des contenus

La guerre pour le contrôle des contenus et des marchés a pris des proportions inégalées avec la convergence technologique et le processus généralisé de déréglementation. Au tournant du siècle, une dizaine d’entreprises mondiales pourraient contrôler l’ensemble des informations et connaissances de la planète. Le Québec devrait diversifier ses stratégies et miser sur les initiatives tant publiques et communautaires que privées pour promouvoir le pluralisme et le développement de contenus à haute «valeur ajoutée».

Il faudrait plus concrètement :

  • s’attaquer à la numérisation des oeuvres au patrimoine culturel (au sens large) pour les rendre accessibles sur l’inforoute.
  • encourager les diverses communautés régionales et locales ainsi que les diverses associations de la société civile à occuper l’espace, à alimenter les inforoutes et à participer aux échanges d’informations et à la réflexion collective.

La bataille contre l’imposition d’une langue véhiculaire unique concerne l’ensemble des peuples. Nous avons donc intérêt à développer des projets en collaboration avec d’autres pays en commençant par ceux de la francophonie. Il faudrait apporter une aide à la traduction de contenus et favoriser le développement de logiciels et d’outils en français.

Le rôle de l’État

Pour que l’immense potentiel des inforoutes soit harnaché et maîtrisé dans l’intérêt de la société et de l’ensemble des citoyens, il faut que l’État québécois se dote d’une politique globale en la matière. Tout en s’appuyant sur le dynamisme du secteur privé, l’État doit aussi soutenir les initiatives des organismes oeuvrant dans le secteur de l’économie sociale. L’ICEA invite donc le gouvernement à dépasser la conception étroite visant à restreindre son rôle à celui d’utilisateur modèle, pour embrasser l’ensemble des défis que comportent le déploiement de la société de l’information et du savoir.

 

 

 

Introduction

Mémoire déposé par l’Institut canadien d’éducation des adultes  à la Commission de la Culture sur les Enjeux du développement de l’inforoute québécoise, Préparé par Francine Pelletier et Lina Trudel, le 13 septembre 1996

L’organisation de la vie en société en l’an 2000 sera fortement structurée par le développement des nouvelles technologies de l’information et des communications ainsi que par le déploiement des inforoutes. Cette révolution technologique amorcée depuis presque deux décennies a déjà considérablement transformée le monde du travail et contribué à faire faire à la science des progrès exponentiels (les connaissances se renouvellent au dix ans). Elle a aussi eu pour effet de transformer le mythe du village global en une réalité concrète. À titre de citoyen, de travailleur, de consommateur, nous avons été en mesure d’apprécier l’immense potentiel de ces technologies en ce qui a trait notamment aux communications, à l’aide à la gestion, à la rédaction, à la recherche et à la création. Nous avons été en mesure aussi d’en mesurer les limites et les dangers. Bien qu’étant des outils très puissants, ils ne pourront jamais remplacer ni le talent, ni la créativité, ni la connaissance. L’intérêt de ces outils réside dans la qualité des contenus qui circuleront sur l’inforoute et dans le type d’usages qu’on en fait, soit pour améliorer l’égalité des chances, la qualité de la vie et la démocratie pour tous, ou soit, au contraire, pour encourager la seule compétitivité et performance des entreprises.

La révolution technologique conjuguée à la mondialisation des marchés, a contribué jusqu’à présent à faire perdre beaucoup plus d’emplois qu’elle n’en a créé. Le phénomène de l’exclusion économique et sociale qui en a découlé et qui touche un nombre croissant de personnes menace les équilibres sociaux et handicape très lourdement l’avenir de nos sociétés. Les avantages du progrès technologique sont, à ce jour, fort inéquitablement partagées et leur potentiel largement détourné à des fins soit mercantiles ou de contrôle social.

Ce sont ces enjeux qui semblent avoir été à l’origine de cette consultation parlementaire et nous sommes particulièrement heureux d’y participer et de contribuer, dans la mesure de nos moyens, à éclairer les choix importants de société qui en découleront.

Nous avons donc choisi de répondre principalement aux questions relatives à l’accessibilité, à l’éducation, et à la culture, et de les traiter sous l’angle de la démocratisation de l’égalité des chances, de l’accès au savoir et aux processus de décisions politiques.

 

1. L’accessibilité au centre des enjeux

Dans nos sociétés où l’accès aux savoirs devient le principal facteur de croissance et de réussite sociale, il est certain que les individus et les organismes qui pourront accéder et maîtriser les nouvelles technologies de l’information et des communications jouiront d’avantages considérables.

«L’accès à l’autoroute de l’information peut s’avérer être, non pas uniquement une question de privilège ou de position dans la société, mais bien une habileté fondamentale pour fonctionner dans une société démocratique. Il peut devenir le facteur déterminant le niveau d’éducation des personnes, le type d’emploi qu’elles pourront occuper, la formation qu’elles seront susceptibles de recevoir si elles perdent leur emploi, et [le facteur déterminant] la capacité des individus d’accéder à l’information gouvernementale ou aux débats sociaux fondamentaux les affectant.»1

La question de l’accessibilité se retrouve donc au coeur des enjeux. L’universalité d’accès à coût abordable pour tous les citoyens, au même titre que pour le téléphone ou l’électricité, s’avère une première condition incontournable permettant le partage des retombées du progrès technologiques. À cet égard, tous les pays industrialisés s’entendent sur la nécessité d’assurer un accès universel à tous les citoyens.

Cette question porte cependant une triple injonction: en plus d’assurer l’accès aux équipements, il importe aussi de garantir l’accès aux services non seulement à titre de consommateur mais aussi à titre de producteur et de diffuseur de contenus.

Les études réalisées aux États-Unis et ici révèlent que l’accès à l’inforoute est actuellement l’apanage des gens instruits disposant d’un haut revenu. Au Canada, parmi les 25% de foyers disposant d’un micro-ordinateur, seulement le quart d’entre eux possèdent un modem, et ceux-ci ont un revenu moyen de 60,000 $. Au Québec, l’étude récente du Réseau inter-ordinateurs scientifiques québécois (RISQ) indique que 85% des internautes québécois sont des hommes dont 35% dispose d’un revenu familial de 60,000 $. De plus, ils auraient effectué des études universitaires dans une proportion de 56% et les deux-tiers d’entre eux habiteraient Montréal ou Québec.

L’accès aux équipements, bien qu’important, ne constituera pas le principal obstacle, car les entreprises ont intérêt à élargir cet accès afin de commercialiser leurs produits. Le danger réside davantage dans la création de deux types d’inforoute: une pour les mieux nantis via le micro-ordinateur offrant toutes les possibilités de communication interactive, et une autre pour la population en général via la télévision et qui sera axée surtout sur la consommation et le divertissement.

Entre le partage ou la privatisation du savoir

C’est en regard de l’accès aux contenus et aux sites les plus pertinents, au chapitre de l’information et des savoirs utiles au travail, aux études et à la prise de décisions que les clivages les plus importants vont se produire. À cet égard, trois phénomènes nous apparaissent inquiétants: la multiplication des sites à valeur ajoutée payants, l’émergence des micro-transactions et la concentration croissante des fournisseurs de contenus et d’accès à l’inforoute.

Les sites à «valeur ajoutée» – où l’information peut être archivée, traitée, analysée et organisée- deviennent de plus en plus payants et ce, à des coûts prohibitifs pour les individus et les organisations à revenus modestes. Ainsi, de nombreux sites à «valeur ajoutée» accessibles via Internet exigent désormais des frais d’abonnements allant de 7 à 25 $ US par mois s’y ajoutant en sus une facturation à la page ou au document consulté ou au paragraphe imprimé.2 Au Québec, l’entreprise Cedrom-SNI, qui a bénéficié du soutien du Fonds de l’autoroute de l’information, impute des frais d’inscription de 50 $ et exige 10 $ par mois pour l’accès à ses services, des frais mensuels pouvant atteindre 25 $ par mois s’ajoutent ensuite pour la consultation de différents journaux, 25 $ supplémentaires sont nécessaires pour accéder aux services d’information économique et finalement, des frais supplémentaires sont facturés pour les recherches et l’impression de documents.

À cet égard, Bill Gates, dont on ne peut ignorer les visées, ne rêve-t-il pas d’une autoroute où les postes de péages se multiplieraient et où l’on nous vendrait l’information, la connaissance et le patrimoine culturel par tranches et au kilo-octet. Soulignons, à titre d’exemple, l’achat récent des droits de reproduction électronique par Microsoft de tous les grands fonds d’archives photographiques pour les commercialiser sur Internet. Le magazine Newsweek indiquait que «le patron de Microsoft a créé la nouvelle société en 1989, sous le nom d’Interactive Home Systems (devenue aujourd’hui Corbis), avec l’ambition de devenir rien de moins que le premier fournisseur mondial d’art via Internet. […] Corbis lorgne aussi le marché grand public, en pleine expansion. Parmi les clients potentiels, des écoliers qui navigueraient sur le site Corbis sur le Web, cliquerait sur la photo ou le tableau choisi et paierait pour son utilisation dans leur exposé en cours.»3

D’ailleurs, les projets de monnaie électronique se multiplient, projets dont la plus petite dénomination ne sera pas le cent, mais le dix millième ou le cent millionième de dollar: le nanodollar. Ces projets, en expérimentation sur Internet, rendront possible le paiement pour la consultation ou l’impression d’une «page-Web», d’un paragraphe, d’un texte ou d’un document; ces micro-transactions paveront la voie à la commercialisation et à la marchandisation de l’information, de la connaissance et du savoir. Ce marché représenterait plusieurs centaines de milliards de dollars. L’attribution d’une signature électronique à tous les citoyens et citoyennes apparaît dès lors comme une condition préalable ou à tout le moins facilitant la mise en place de tels systèmes.4

Une autoroute à péage

D’autre part, les mouvements de fusion et de concentration des entreprises n’affecteront pas que les contenus. Certains signes nous laissent craindre, dès à présent, qu’on assiste aussi à la mise en place de consortiums qui contrôleront aussi l’accès aux inforoutes. La concurrence entre les multiples fournisseurs d’accès à la galaxie Internet (compagnies de téléphone, de câblodistribution, fournisseurs de service indépendants, etc.) assurent présentement un accès complet à l’ensemble des services disponibles sur Internet qu’il s’agisse de courrier électronique, de «conversations en temps réel» (chat), de groupes de discussion, du World Wide Web, de Telnet, de FTP (File Transfert Protocol), etc. Cependant, l’histoire passée -tout de même assez récente- de la câblodistribution nous enseigne que, malgré toutes les promesses de démocratisation qui ont été faites à l’époque, et qui ressemblent étrangement à l’avenir qu’on nous fait aujourd’hui, l’absorption des petites entreprises de câblodistribution a débouché sur la création de quasi-monopoles régionaux contrôlant l’offre de services aux usagers.

Certains signes pointent à l’horizon qui laissent présager que l’histoire est en voie de se répéter. Ainsi, chez nos voisins du Sud, on assiste à l’achat de fournisseurs de service Internet indépendants ( certains d’entre eux comptaient entre 3,000 et 100,000 abonnés) par d’autres entreprises qui visent à se tailler une place comme fournisseurs de services régionaux. Certains de ces fournisseurs indépendants croient qu’il ne vaut même plus la peine de procéder à des investissements à court terme puisqu’ils seront éventuellement racheter par MCI, AT&T et Time Warner.5 Plus près de nous, le mouvement de concentration est aussi amorcé. «Depuis décembre 1995, plus d’une vingtaine de fournisseurs de tout acabit ont été courtisés par des entreprises souhaitant profiter de leurs expériences et de leur clientèle pour démarrer leur service au Québec. Microtec, entre autres, a acheté deux fournisseurs bien établis: Zone Internet, de la division Lancité, et Odyssée Internet. Malo Film s’est porté acquéreur d’Accent Internet, Infobahn, Total.net et MegaToon. Internet Global et MegaWeb ont opté pour la fusion. iSTAR pour sa part a acquis sept fournisseurs ailleurs au pays, mais aucun au Québec.»6

Le marché de la téléphonie locale, qui représente actuellement la principale voie d’accès à l’inforoute, est également dans la ligne de mire. Ainsi, le CRTC tient présentement des audiences publiques qui visent à permettre l’entrée d’autres acteurs dans le marché de la téléphonie domicilaire et d’affaires. Ces audiences s’inscrivent, rappelons-le, dans la démarche du gouvernement canadien visant à établir un cadre régissant la déréglementation des activités de radiodiffusion et de télécommunications au Canada. Ce marché apparaît très lucratif et suscite la convoitise de nombreux acteurs. En effet, les entreprises de téléphonie voient passer sur leurs lignes un trafic qu’elles ne peuvent tarifer autrement que par le service de base; les utilisateurs d’Internet sollicitent le système téléphonique plus que les autres usagers par la longueur de leur «conversations téléphoniques» et par leur utilisation des possibilités de communications interurbaines via Internet.

On peut craindre, à plus ou moins brève échéance, d’assister à une augmentation considérable du service de base, voire même envisager l’apparition d’une tarification à la minute d’utilisation, ce qui aurait pour conséquence, non seulement d’affecter l’accès au service téléphonique, mais aussi de rendre l’accès à Internet excessivement onéreux. Les entreprises de téléphonie américaines auraient déjà entrepris des représentations auprès de la Federal Communications Commission en ce sens. La concurrence dans ce secteur n’aura probablement pas les effets escomptés et souhaités. Plusieurs affirment déjà que la déréglementation dans la téléphonie locale, contrairement à ce qui s’est passé pour le marché des interurbains, «se traduira par une hausse significative du tarif. La facture pourrait même doubler.»7

Par conséquent, certaines tendances du marché semblent déjà se dégager: facturation téléphonique à la minute, facturation pour l’accès Internet, facturation pour l’accès aux différents services d’Internet ou de l’inforoute, facturation pour les services d’information à valeur ajoutée, facturation pour les services de formation et d’éducation, facturation pour l’accès à la culture et au patrimoine, etc. Qui pourra alors se payer la société de l’information?

Parmi les infopauvres, on retrouve, outre les individus issus des milieux moins nantis, les organismes populaires et communautaires qui travaillent à promouvoir le développement social de ces milieux. Ces organismes sont encore peu équipés et leurs ressources limitées ne leur permettent pas de consacrer des ressources financières importantes à l’appropriation de ces nouvelles technologies. Pourtant, ils pourraient, eux aussi, s’en servir pour améliorer leur fonctionnement, se faire connaître, renforcer les liens de communications et la concertation entre les groupes, améliorer la vie démocratique de leur association et réaliser des économies. Mais élément plus important, ils ont un rôle crucial à jouer pour contrer les dangers de l’élargissement des inégalités que pourrait engendrer l’inforoute en servant notamment de relais auprès des populations exclues et en leur permettant de s’approprier ces nouvelles technologies dans des lieux qu’elles fréquentent et connaissent.

En effet, par leur enracinement dans les milieux et leur connaissance des besoins de la population, ils pourraient contribuer à développer de nouveaux usages sociaux de ces technologies basés sur des enjeux démocratiques, une plus grande solidarité humaine et une plus grande justice sociale. Que l’on parle de groupes d’alphabétisation ou d’éducation populaires, de centres de femmes, de groupes de défense des droits, de syndicats, d’organismes engagés dans le développement de la main-d’oeuvre, de corporations de développement économique communautaire, etc., tous ces groupes, dont le rôle central est aujourd’hui reconnu dans le développement de l’économie sociale, doivent occuper une place importante dans l’appropriation des nouvelles technologies par la population.

Nos recommandations

Sur les inforoutes, il est nécessaire de pouvoir circuler sur des voies publiques et de pouvoir entrer dans des lieux publics d’accès à la connaissance, aux savoirs et au patrimoine culturel. L’inforoute ne doit pas servir qu’à circuler ou à regarder des façades sans pouvoir y entrer -ce n’est d’ailleurs pas la promesse qui nous est faite-, elle doit permettre d’aller quelque part, de s’arrêter, de fouiner, de rencontrer d’autres personnes, de communiquer et d’échanger, de se documenter, d’apprendre, de s’informer, d’agir, de développer des projets individuels et collectifs.

L’ensemble des considérations mises précédemment en lumière obligent les décideurs publics à entreprendre d’urgence une réflexion et un débat public sur la mise en place d’un service de base disponible aux usagers des inforoutes.

Service de base

Nous croyons que ce service devrait garantir:

l’accès aux outils de communication

  • courrier électronique
  • communication en temps réel ou différé à deux ou à plusieurs
  • Internet et les réseaux télématiques

l’accès à des contenus publics à «valeur ajoutée»

  • banques de données et d’informations sur la santé, l’emploi, l’éducation et la formation continue
  • les services gouvernementaux
  • banque de documents, de textes, d’images et de sons
  • sites «carrefour» où l’information est traitée, organisée et analysée

l’accès aux services d’information, de production et de diffusion de contenus

  • bibliothèques virtuelles
  • service d’informations gouvernementales
  • accès aux bibliothèques, aux institutions d’enseignement

l’accès à des services publics de formation et d’éducation

  • formation à distance
  • cours permettant d’améliorer ses compétences et son potentiel, d’obtenir des diplômes ou certificats, de se recycler et d’acquérir de nouveaux savoirs

Des centres d’accès et de services

L’ouverture de points d’accès publics dans les écoles, les bibliothèques 8 , les centres communautaires, etc., et ce, dans toutes les localités et régions du Québec, est aussi d’une absolue nécessité.

Les inforoutes doivent servir à interrelier toutes les légions, les localités et les communautés du Québec. Elles doivent permettre à tous les citoyens de communiquer entre eux et d’échanger. C’est pourquoi, il est essentiel d’encourager et de soutenir la mise en place de points d’accès dans toutes les régions et les localités du Québec. À Montréal, l’ouverture de points d’accès dans les quartiers défavorisés constituerait aussi une priorité. Les écoles, les bibliothèques, les organismes socio-communautaires peuvent servir de points d’ancrage à de telles initiatives. Des expériences d’animation, d’expérimentation, d’éducation et d’appropriation des nouvelles technologies par la population devraient être soutenues. De plus, la multiplication des projets de Libertel devraient être fermement encouragés.

Des programmes de recyclage et de mise à niveau des ordinateurs remplacés par l’entreprise et les organismes gouvernementaux devraient être mis en place pour que les organismes disposant de moyens restreints puissent acquérir des équipements qui soutiennent l’utilisation de logiciels conviviaux.

Notes

1. Ratan, Suneel, « A New Divide Between Haves and Haves-nots?», dans Time, Numéro Spécial : Welcome to Cyberspace, Printemps 1995, p. 25. (Traduction libre)

2. Margot Williams, « Toll Booths Are Popping Up on the Information Highway », dans Washington Post, 17juin 1996, page F33.

3. Newsweek, « Bill Gates construit la nouvelle bibliothèque d’Alexandrie », dans Courrier international, Numéro 300, du 1er au 21 août 1996, p.29.

4. Tom Steinert-Threlkeld, « The buck starts here : Will nanobucks be the next big thing or are we just talking pocket change? », dansWired, Août 1996, pp. 133-135, 194-197.

5. Robert E. Calem, « PSINet Announces Buyer for Pipeline », dansNew York Times, 2 juillet 1996.
Catherine Cavanaugh, « Mindvox, Long Haven for Hackers, Signs Off? », dans New York Times, 13 juillet 1996.

6. Marie-Andrée Amiot, « Qui fera encore surfer parmi les 147 FAI québécois?», dans Info-Tech Magazine, août 1996, p.14.

7. Nicolas Milette, «Bouleversements majeurs dans le secteur des télécommunications et de la radiodiffusion: les tarifs interurbains en baisse, les tarifs locaux en hausse », dans Journal Les Affaires, cahier spécial, 31 août 1996, p. C3.

8. Les bibliothèques doivent également disposer des moyens financiers suffisants pour maintenir notamment leurs abonnements aux publications imprimées, pour soutenir l’achat de livres et poursuivre leurs activités actuelles tout en consacrant des ressources importantes au branchement à l’inforoute, au renouvellement, à l’entretien et au maintien de leurs équipements informatiques ainsi qu’aux nombreux abonnements aux services à valeur ajoutée qu’il leur faudra payer. Les défis consistent « à maintenir les bibliothèques comme institutions centrales d’une société démocratique ainsi qu’à s’assurer que le public ait un accès aussi libre et complet à l’information électronique qu’à l’information imprimée ». Dinitia Smith, « Librarians’ Challenge : Offering Internet», dans New York Times, 6 juillet 1996, p.11.

 

2. Contrôle ou participation des citoyens

Le droit à la communication nous apparaît être un élément-clé de la démocratisation de l’inforoute. C’est, le caractère interactif de ces technologies qui, à cet égard, permet les plus grands espoirs. Les possibilités offertes aux usagers d’échanger et de partager leurs expériences et savoirs, d’être à la fois producteurs d’information et usagers, constituent, en effet, des conditions objectives permettant de briser le monopole actuel du savoir et de l’information que détiennent largement les médias.

Cette difficulté peut s’avérer beaucoup plus facile à surmonter dans l’univers des inforoutes. Sur les inforoutes, il y a bien sûr des «Cadillac» mais les petites cylindrés peuvent aussi y circuler, et les deux types de véhicules, atteindre, à leurs vitesses, les destinations de leur choix.

Améliorer la vie démocratique

L’intérêt de ces outils, comme le révèle le succès d’Internet, ne réside pas tant dans la possibilité accrue de nous faire accéder aux contenus actuels des médias de masse commerciaux ou aux produits ordinaires de consommation, mais bien davantage dans la possibilité de communiquer, de discuter à distance, d’apprendre, de rédiger des textes avec d’autres, d’accéder aux savoirs et aux oeuvres du patrimoine intellectuel et culturel, à l’échelle nationale et internationale. Les inforoutes peuvent contribuer à renforcer la communication entre les communautés locales, régionales et nationales, entre les communautés urbaines et rurales. Elles peuvent améliorer les échanges, la communication et la solidarité sur le plan international.

Leur énorme potentiel réside en ce qu’elles permettent à une multitude de communications horizontales d’exister, aux individus et aux collectivités de s’exprimer, de produire et de diffuser des contenus. Les citoyens et les collectivités peuvent y parler de leurs réalités, échanger avec d’autres personnes ou groupes partageant les mêmes intérêts et préoccupations, s’organiser collectivement, former des regroupements et des associations qui dépassent le cadre des frontières nationales, et intervenir dans les débats sociaux.

Par ailleurs, nombreux sont ceux qui parlent de démocratie électronique. Cependant la démocratie participative se distingue de la démocratie électronique à la Ross Perot ou à la Newt Gingrich: il ne s’agit pas uniquement d’enregistrer son vote par télématique. La démocratie suppose le débat et la discussion, de créer des lieux d’échange et de rencontre, d’être informé, pas le sondage télématique permanent. Les ordinateurs, les réseaux électroniques et l’inforoute pourraient, par leur potentiel de communication, soutenir la vie démocratique en permettant à des initiatives citoyennes de voir le jour par l’entremise d’associations de personnes ou de réseaux d’expression.

À ce jour, les documents gouvernementaux traitent peu ou prou du rôle de l’inforoute dans l’amélioration de la participation des citoyens à la vie politique, sociale ou communautaire. On parle d’informer les citoyens, ce qui est bien et souhaitable, mais l’information à elle seule ne suffit pas à renouveler les pratiques citoyennes. «L’émergence des réseaux locaux devrait permettre la réorientation de l’usage de ces technologies sur des enjeux citoyens. […] La démocratie et la vie politique pourrait y trouver les voies d’un renouveau.»1 Les organisations de la société civile devrait se voir consacrer une place importante dans la définition et l’expérimentation de ces nouveaux usages relativement aux rapports entre l’État et le citoyen.

À cet égard, plusieurs projets américains de participation citoyenne pourraient constituer des avenues à considérer. En effet, plusieurs organisations de la société civile ont développé des projets qui visent à stimuler la participation. Les projets California Elections, Project Vote Smart vise à stimuler la participation aux élections, le projet Minnesota E-Democracy Project veut accroître leur participation dans les affaires publiques, le Philadelphia Neighborhoods Online met l’accent sur le développement communautaire et économique local, etc.2 Ainsi, il s’agit, non seulement de développer de nouveaux produits commerciaux ou exportables, mais aussi des projets qui permettent d’assurer le développement des collectivités locales et de la participation sociale.

La tentation du contrôle

S’il est vrai que les réseaux télématiques peuvent contribuer à améliorer les relations entre le citoyen, l’État, l’administration et les services publics, ils peuvent également engendrer méfiance et suspicion. Ainsi, l’absence d’un vaste débat public sur des questions aussi fondamentales que l’implantation d’une carte-santé, de la signature électronique, le partage de données entre les différents ministères ou l’accumulation d’informations par les entreprises et les organismes de services, nous inquiète. Les avancées technologiques nous permettent le meilleur et le pire des mondes, allant d’une société de surveillance et de contrôle à une démocratie revisitée.

«Alan Westin, un des premiers à définir la «vie privée» en termes politiques», affirme «que la protection de la vie privée a des fonctions sociales essentielles: elle prévient contre l’invasion du privé par le politique; elle protège les personnes contre le contrôle abusif des bureaucraties et de la police; elle soutient la diversité des pratiques religieuses et la liberté d’association; elle protège le caractère secret du vote aux élections; elle préserve un espace d’expérimentation et de réflexion propre à chaque personne et la manière de vivre de chaque famille». Pour lui, «à l’ère des nouvelles technologies, le droit à la « vie privée » devient le droit des individus de déterminer pour eux-mêmes quand, comment et dans quelle mesure l’information qui les concerne peut être communiquée à d’autres».3

Les choix technologiques actuels auront des effets structurants sur les pratiques et les usages sociaux de demain; ils produiront des impacts sociaux considérables et, ils définiront en quelque sorte la société tout comme l’architecture ouverte et le potentiel de communication ont fait d’Internet ce qu’il est aujourd’hui. Il est ainsi essentiel que les citoyens, même non techniciens, puissent intervenir dans cette discussion qui affectera leur vie, leur relation avec l’État et leur participation aux affaires de la Cité.

Les débats qui ont eu lieu sur le projet de loi 32 qui permettait au ministère du Revenu de se soustraire à l’application de volets fondamentaux de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et sur le projet de loi 36 qui visait à donner des pouvoirs accrus au Contrôleur des finances en ce qui concerne l’accès aux banques de données des organismes publics, ont soulevé un tollé de protestations et une réprobation généralisée. Bien que le document «Pour une stratégie de mise en oeuvre de l’autoroute de l’information au Québec» réaffirme la protection de la vie privée et de la confidentialité des renseignements personnels comme principes à respecter dans le déploiement de l’inforoute québécoise, les projets de carte-santé et de signature électronique peuvent être lus à cette lumière et nous inquiéter.

Il est ainsi d’autant plus nécessaire que s’engage un vaste débat public sur ces questions, et ce, particulièrement quand le rapport annuel du Protecteur du citoyen révèle que, parallèlement à l’adoption de ces projets de lois, le gouvernement «sabrait allégrement dans les organismes de protection des droits» et «dans les subventions aux organismes privés de défense des droits ou qui en font la promotion de valeurs démocratiques»4 . Il y a là matière à être inquiets pour l’avenir de notre démocratie et sur la place que pourront prendre les citoyens dans cette discussion.Il est dorénavant admis de soumettre les projets d’envergure à des évaluations quant aux impacts environnementaux; un projet de l’ampleur de celui des inforoutes ne devrait pas échapper à une telle obligation.

Nos recommandations

Pour créer un espace de vie démocratique sur les inforoutes, il faudrait que

  • L’État favorise et soutienne le développement de projets émanant d’organismes représentatifs de la société civile, consistant à utiliser les inforoutes pour l’accès à l’information publique et la participation des citoyens au processus de décision.
  • L’État pourrait initier la création de partenariat avec des fondations et entreprises privées pour le financement de tels projets tout en garantissant une autonomie complète d’action aux organismes concernés.
  • L’État crée un forum public permanent visant l’évaluation préalable des projets de développement de l’inforoute: signature électronique, la mise sur pied d’un service de base, l’élaboration de code de déontologie et règlements, l’encryptage, etc.

Notes

1. Multimédia: les voies d’une maîtrise sociale, Appel de la Fondation pour le Progrès de l’Homme et Transversales/Science Culture, mars-avril 1995, numéro 32.

2. Informations puisées sur Internet aux sites du Center for Civic Networking et de CPN Networking : http://www.cpn.org.

3. Michel Venne, « Alan Westin: Le pape de la vie privée. Le professeur de sciences politiques est devenu l’un des plus influents définisseurs des règles sur la protection des renseignements personnels », dans Le Devoir, 8 juillet 1996, page B1.

4. Rapport annuel du Protecteur du citoyen, Comment l’État enlève aux citoyens des droits et des recours fondamentaux : Le Protecteur du citoyen en appelle aux parlementaires.

 

3. L’éducation et l’appropriation sociale pour maîtriser l’avenir

Les déséquilibres originant de la disparité de moyens sont souvent aggravés par le manque de formation et de préparation permettant aux personnes et aux groupes de sélectionner dans cette mer d’informations celles correspondant à leurs besoins, de les ordonner, de les traiter, de les gérer et de les utiliser. L’éducation pour une réelle appropriation technologique constitue donc une des premières priorités.

Le principal défi pour l’éducation ne consiste pas surtout à apprendre à utiliser les logiciels ou à comprendre le fonctionnement d’un réseau ou d’un micro-ordinateur, pas plus qu’il est utile d’apprendre la mécanique pour conduire une auto. La convivialité des interfaces permet d’ailleurs aux individus d’apprendre à utiliser un logiciel de navigation en quelques heures seulement. Le véritable défi pour l’éducation consiste à «fournir des cartes du monde et la boussole pour se diriger dans ce vaste univers»1 . Le renouvellement rapide des connaissances et la capacité des ordinateurs de les stoker, de les traiter et de les mettre à jour oblige le milieu de l’éducation à centrer désormais son approche, non pas sur la transmission des savoirs, mais davantage sur l’apprentissage de compétences fondamentales: apprendre à apprendre, à analyser, à traiter l’information et à porter des jugements critiques, et apprendre aussi à développer sa créativité.

Il s’agit «de transmettre massivement et efficacement de plus en plus de savoirs et de savoir-faire évolutifs adaptés à la civilisation cognitive parce qu’ils sont les fondements des compétences de demain. Simultanément, il lui faut trouver et marquer les repères qui permettent de ne pas se laisser submerger par les flux d’informations plus ou moins éphémères qui envahissent les espaces privés ou publics et de garder le cap pour les projets de développement tant individuels que collectifs»2 .

L’expérience de navigation à travers les sites hypertextuels présents sur le World Wide Web ressemble à l’expérience télévisuelle. On fouine, ou furète, on vogue à la surface des choses. Bien sûr, il y a de nombreuses pages ou sites qui ne valent par la peine qu’on s’y arrête. Mais il y en a d’autres qui exigent qu’on prenne du temps, qu’on réfléchisse, qu’on les associe à d’autres lectures, qu’on les jauge, qu’on interroge la fiabilité des informations qu’on y trouve, qu’on les compare à d’autres. Comme pour la télévision, il faut apprendre à aller au-delà des images, à décoder les émotions avec lesquelles elle nous parle; il faut savoir comment est choisie, organisée et classée l’information; il faut pouvoir dépasser le fractionnement et le morcellement des informations; il faut établir des liens dans un univers discontinu.

C’est pourquoi l’éducation aux médias, et non par les médias, s’applique à l’inforoute et aux nouvelles technologies. Cependant, celle-ci doit postuler une formation visant le développement d’une culture scientifique et technologique pour les citoyens, techniciens et non-techniciens, puissent maîtriser le développement de ces outils, qu’ils puissent «intégrer les informations à tous les moments de l’existence et sur tous les plans de la connaissance pour donner sens à la vie, aussi bien personnelle que professionnelle.»3

L’apprentissage tout au long de la vie s’inscrit de plus en plus comme une réalité incontournable. Les personnes doivent renouveler sans cesse leurs connaissances, mettre à jour leurs compétences, se recycler, acquérir de nouveaux savoirs et s’adapter à des réalités de plus en plus mouvantes. Et il n’y a pas que les jeunes qui sont au coeur de la tourmente. Rappelons que 70% de la main-d’oeuvre de demain a déjà quitté les bancs d’école, qu’il faut deux décennies pour que les améliorations apportées à la formation initiale se traduisent par une augmentation de la qualification de la main-d’oeuvre, que l’analphabétisme demeure une préoccupation majeure, que 44% de la population ne possède pas de diplôme d’études secondaire. C’est pourquoi, l’Institut croit qu’il faut prendre le virage de la formation continue en même temps que le virage technologique, qu’il faut augmenter les compétences techniques et scientifiques de l’ensemble de la population, qu’il doit avoir une multiplication des lieux d’appropriation et de réflexion sur l’impact des nouvelles technologies sur la vie en société.

On ne peut en outre dissocier l’éducation des adultes des questions liées à la formation de la main-d’oeuvre. La formation continue nécessite également de doter les adultes d’une formation de base solide, souple et adaptable les outillant pour faire face aux réalités mouvantes en les rendant plus autonomes et capables d’agir socialement. L’éducation doit permettre de mettre à jour, d’approfondir et d’enrichir la formation de base, et de s’adapter à un monde changeant.

L’inforoute nous ouvre tout un univers de possibilités quant à l’information, l’acquisition continue de connaissances et la communication. Elle nous apporte des chances notamment de trouver des informations et des services utiles et pertinents permettant d’améliorer son potentiel, sa vie personnelle, professionnelle et communautaire. La formation à distance constitue l’une de ces avenues ouvertes par l’inforoute qui nous permettra d’échapper aux limites de la distance dans la mesure où elle favorise l’interaction avec d’autres étudiants dispersés sur tout le territoire québécois et de par le monde et la création de «campus virtuel».

Le système public d’éducation en collaboration avec Télé-Québec devrait développer d’urgence une offre de services éducatifs pouvant être accessibles sur Internet. Cette stratégie permettrait d’alimenter les autoroutes en contenus québécois pouvant correspondre aux besoins croissants de formation continue des personnes et des collectivités, et éviterait du même coup que ces services ne soient accessibles qu’aux personnes mieux nantis. Laisser le développement de ces services au secteur privé contribuerait à renforcer considérablement la tendance à la privatisation et à la commercialisation de la connaissance et du patrimoine culturel.

Comme on le voit, l’introduction des ordinateurs et des inforoutes en éducation dépasse la simple exposition et la familiarisation aux réalités des nouvelles technologies. La formation initiale et continue des enseignants ainsi que des formatrices et formateurs d’adultes va, elle aussi, au-delà du simple apprentissage de la micro-informatique, de la navigation, du courrier électronique, des listes et des groupes de discussion.

La révolution scientifique et technologique en cours, transforme en profondeur les modes de transmission et d’acquisition des connaissances, elles contribuent aussi à relever les exigences en ce qui a trait à la qualification et aux tâches plus intellectuelles de conception et de création. Il ne sera pas facile au Québec de relever un tel défi. Les réformes se font trop dans une perspective à court terme, sans vision d’ensemble et dans un contexte de pénurie de ressources.

Nos recommandations

Pour répondre aux nouvelles exigences de l’apprentissage à vie, il faudrait que

  • L’État soutienne et encourage la création d’un partenariat entre les institutions d’enseignement, Télé-Québec et les réseaux d’éducation non formelle en vue de la création d’un réseau intégré de formation à distance multimédia et inter-ordre d’enseignement.
  • L’État devrait aussi soutenir le regroupement des universités québécoises pour constituer des groupes de recherches multidisciplinaires afin de développer de nouveaux outils et des stratégies pédagogiques adaptées aux nouvelles technologies ainsi que de créer de nouveaux produits et usages tant dans les domaines de la santé, du travail, des communications et de la vie associative.

Notes

1. Commission internationale sur l’éducation pour le vingt et unième siècle, L’éducation un trésor est caché dedans, Rapport à l’Unesco sous la présidence de Jacques Delors, Éditions Unesco et Éditions Odile Jacob, Paris, p. 91.

2. Commission Delors, Ibid, p.91.

3. Joël De Rosnay, «Pour une pédagogie du futur», Propos recueillis par Anne Brigitte Kern, Transversales Science Culture, Numéro 33, Mai-Juin 1995, p.11.

 

4. Vers la mondialisation et la fragmentation culturelle

Plusieurs spécialistes prédisent qu’au tournant du siècle, une dizaine d’entreprises mondiales contrôleront toute l’information et la connaissance mondiale1 . Les vastes mouvements d’alliances, d’acquisitions ou de fusions d’entreprises oeuvrant dans le secteur des télécommunications, de l’informatique et des industries culturelles, auxquels nous assistons actuellement, confère à cette prédiction une certaine dose de crédibilité. Cette guerre pour le contrôle des contenus et des marchés a pris des proportions inégalées avec la mise en place depuis quelques années de la convergence technologique et le processus généralisé de déréglementation.

Les États-Unis qui détiennent déjà une avance démesurée sont en train d’occuper quasiment tout l’espace des inforoutes. Malgré la vitalité et le dynamisme des industries québécoises dans ce domaine, nous sentons que le terrain est en train de nous glisser littéralement sous les pieds. Le Québec a mis une bonne partie de ses espoirs dans l’entreprise Vidéotron, et plus précisément dans son projet d’autoroute UBI. On constate, après plusieurs années de préparation, que ce projet n’est «qu’un embryon d’autoroute de l’information»2 . Pour faire de l’autoroute de l’information un levier de promotion et de développement culturel, il faudra revoir de fond en comble les stratégies de développement et les soumettre à la discussion publique.

Situé dans le vaste continent nord-américain, un pays francophone, à faible densité de population comme le Québec, ne peut certes pas compter uniquement sur l’entreprise privée pour se tailler une place significative dans le cyberespace. Sans nier l’importance de supporter le développement d’une industrie nationale dans ce secteur de pointe, nous croyons qu’il faut diversifier nos stratégies et supporter davantage les initiatives privées, comme publiques et communautaires qui innovent et développent des contenus et services à haute valeur ajoutée. Nous avons à cet égard au Québec un potentiel de création et d’expertises sur lequel il faudrait davantage miser. Mentionnons notamment Soft Image, Cerveau, Alix, etc.

La qualité d’abord

L’enjeu, tout le monde le proclame, se situe au niveau des contenus. L’affirmation est juste mais fort incomplète. Dans cet espace interactif de communication sans frontière, la problématique des contenus se pose en des thèmes très différents de ceux prévalant en télédiffusion de masse. Le divertissement commercial omniprésent sur les réseaux de télévision ne présente certes pas autant d’attrait pour les internautes. D’ailleurs les études démontrent que près de 52% des personnes utilisent Internet pour le travail et qu’ils sont à la recherche d’informations et de savoirs pertinents et utiles à leur vie professionnelle, sociale et privée.3

Pour être en mesure d’intéresser les gens d’ici et d’ailleurs, il faudra développer des sites intéressants, riches en contenus informatifs et interactifs, et permettant le développement de groupes de discussion. Des sites de ce genre existent au Québec, mais ils sont encore trop peu nombreux, mentionnons à titre d’exemple le site du journal Voir, La toile du Québec, Savie, l’Infobourg, Québec Science, Libertel Montréal, la CSN, etc. On assiste par contre à une multiplication de sites qui ne dépassent guère le style du dépliant publicitaire. Ce genre de contenu ne retient guère l’attention et n’apporte rien de nouveau. Les divers organismes ainsi que le milieu culturel et médiatique, doivent, à notre avis, éviter de se servir de cet outil uniquement comme une vitrine pour leurs produits. Ils devraient en profiter surtout pour améliorer la qualité de leurs produits et pour diffuser des contenus tels la transcription d’émissions, de pièces de théâtre, d’oeuvres littéraires qui sont du domaine public, d’articles scientifiques, peintures, etc. et ouvrir des groupes de discussions sur des thématiques d’intérêt public. À cet égard, le site de la Société Radio-Canada est fort décevant, il se limite à transmettre de l’information sur les émissions et à inciter le public à faire part de ses commentaires. C’est ainsi, par exemple, que le site du Point Médias ne transmet aucun contenu relatif aux émissions diffusées.

Lorsque l’on aborde le domaine de la politique et des contenus culturels, on ne fait pas uniquement référence aux questions linguistiques et à la création artistique; il faut aussi y inclure tout le domaine de la culture scientifique et technologique, celui du patrimoine et de la culture populaire. Toute politique visant à enrichir les inforoutes en contenus québécois, devra donc nécessairement s’attaquer à la numérisation des oeuvres du patrimoine culturel (au sens large) pour les rendre accessibles sur l’inforoute. Le secteur privé pourrait contribuer à la réalisation de ce chantier d’envergure, il faudra toutefois éviter de leur vendre notre patrimoine pour qu’ensuite ils ne puissent l’offrir qu’aux clientèles solvables.

La multiplication des sources

Dans l’univers des inforoutes, nous passons d’un modèle axé sur la transmission à sens unique à un modèle centré sur la communication horizontale et multidirectionnelle. C’est là que réside le potentiel révolutionnaire des inforoutes. Le caractère interactif de ces technologies fait miroiter les plus grands espoirs en ce qui a trait à la libéralisation de la parole, et à la multiplication des sources d’information. Cette technologie contribuera très certainement à briser le monopole des médias et à faire éclater leur mécanique étriquée de sélection des informations. La démocratie pourrait donc mieux s’en porter.

Il faudra savoir profiter de ce potentiel et encourager, en conséquence, les diverses communautés régionales et locales ainsi que les diverses associations de la société civile à occuper cet espace, à alimenter les inforoutes et à participer par ce biais aux échanges d’informations et à la réflexion collective. Des groupes de discussions et de partages des savoirs pourront ainsi se multiplier et s’ouvrir par la même occasion aux échanges avec des associations qui oeuvrent dans des domaines similaires et qui partagent le même type de préoccupations et de valeurs à l’étranger. Des projets novateurs émergent dans cette direction et ils devraient trouver leur place au Fonds de l’autoroute de l’information.

La langue: un enjeu culturel et économique

Pour prendre notre place sur les inforoutes, il faudra aussi assumer le fait que la bataille se livre aussi sur le terrain du plurilinguisme. Accepter que l’anglais devienne à la fois la langue des communications internationales et celle de l’infouroute, c’est à toute fin pratique abdiquer face à l’hégémonie américaine et à la tendance à l’uniformisation culturelle. La langue, c’est à la fois une arme culturelle et économique, sans oublier qu’elle constitue aussi un obstacle important à l’accessibilité. L’obligation pour les personnes d’adopter une autre langue que la leur pour faire connaître plus largement ses idées et ses productions entraînera forcément, au fil des ans, une érosion constante de l’identité culturelle. Nous parlerons, non seulement de plus en plus en anglais, mais nous penserons aussi de plus en plus en anglais et notre imaginaire collectif sera de plus en plus défini ailleurs.

Cette bataille contre l’imposition d’une langue véhiculaire unique sur l’inforoute concerne non seulement tous les pays de la francophonie, mais l’ensemble des peuples. Nous avons donc intérêt à développer des projets concrets de collaboration avec d’autres pays en commençant par ceux de la francophonie, afin de trouver des solutions concrètes à ce problème. Les logiciels de traduction plurilingues pourraient constituer une des clés permettant d’assurer une circulation plus égalitaire de l’information sur l’inforoute. Il faudra aussi apporter une aide à la traduction des contenus et favoriser le développement de logiciels et d’outils multimédias en français. En outre, on ne pourra certes pas trouver de solutions durables à ce problème sans recherches et études plus approfondies en ce qui a trait non seulement à la langue d’usage mais aussi à l’ensemble des outils permettant de se retrouver dans cet univers éclaté.

Quiconque a navigué sur Internet et le World Wide Web sait que pour trouver de l’information, il faut souvent de l’information sur l’information. Il faut avoir lu sur tel ou tel sujet ou amassé de l’information sur telle association, groupe ou communauté d’intérêts. Il faut des informateurs qui explorent les moindres recoins d’Internet et nous livrent le résultat de leurs recherches. Bien sûr, il y a les outils de navigation et de recherche mais ils sont souvent, malgré les progrès techniques, insuffisants. Par conséquent, il sera de plus en plus nécessaire d’avoir des guides pour jauger la pertinence et la fiabilité des informations recueillies. Il faudra des groupes ou des gens qui donneront de l’information sur l’information, qui proposeront une vision structurée et organisée, qui formuleront des itinéraires de voyage et d’exploration. L’information brute ne fait pas de sens, ne soulève pas de questions, ne développent pas l’esprit critique. Les écoles, les médias et notamment les réseaux publics de télévision pourraient être mis davantage à contribution et constituer de tels guides.

Il faudrait aussi susciter et supporter le développement d’entreprise privées, publiques ou communautaires qui pourraient offrir des services de vigilance, d’animation, de formation et d’appropriation, d’indexation, de recherche et développement.

Nos recommandations

  • Que les ministères et les divers organismes publics, scolaires et municipaux développent des sites à haute valeur ajoutée sur Internet, permettant, d’une part, aux citoyens d’obtenir les informations sur les lois, règlements, et services qui les concernent et de communiquer, d’autre part, leurs points de vue et attentes relativement aux choix politiques à privilégier.
  • De mobiliser le maximum de ressources des institutions publiques et privés en vue de numériser le plus rapidement possible les oeuvres du patrimoine culturel québécois afin qu’elles soient largement accessibles sur l’inforoute.
    • L’État devra mettre en place des mesures pour éviter l’appropriation de ce patrimoine culturel par les entreprises privées et étrangères.
  • La création d’un fonds spécial pour le développement et la création de bases de données publiques québécoises accessibles gratuitement sur l’inforoute.
  • Que l’État favorise et supporte le développement d’organismes et d’initiatives axés sur de nouveaux services et usages des inforoutes: des services de vigilance, d’animation, d’appropriation, d’indexation, de recherche et de développement.
  • Intensifier, en collaboration avec les autres pays et ceux de la francophonie, la recherche visant à trouver des solutions techniques efficaces pour la traduction plurilingue des contenus.
  • De réserver un fonds pour l’aide à la traduction des logiciels et contenus.

Notes

1. Ben Bagdikian affirme dans son ouvrage The Media Monopolyqu’entre cinq et dix conglomérats finiront par contrôler la quasi-totalité des journaux, des magazines, des livres, des stations de télévision, des archives photographiques et visuelles, des films, des enregistrements sonores et vidéographiques majeurs de la planète d’ici le tournant du siècle. Michel Cartier pense qu’« ultimement, on pourrait se retrouver avec cinq à sept majors contrôlant l’ensemble de l’industrie ». (Qui fait quoi, juin-juillet 1996, p.13)

2. Direction informatique, numéro d’avril 1996.

3. Jean Hugues Roy, « Guide pratique No 2: les 500 meilleurs sites», Québec Science, printemps 1996, p. 12.

 

5. Le rôle de l’État

Les décisions politiques, les orientations et la stratégie de l’État concernant les autoroutes de l’information ne doivent, pas seulement reposer sur les impératifs économiques et industriels, mais être davantage portés par des choix qui impulsent un développement durable profitable à tous les citoyens. Adopter une telle approche permettrait d’intégrer les enjeux sociaux, démocratiques, éducatifs et culturels en évitant de les opposer aux intérêts économiques. Elle contribuerait à développer une vision différente, innovatrice et porteuse d’un projet plus global tout en contrant les dérapages auxquels une vision univoque et à courte vue risque de nous conduire.

L’État doit donc intervenir pour favoriser une véritable synergie entre les différents enjeux, il ne doit pas laisser aux seules forces du marché le soin de définir quelle sera la société de l’information. Ainsi, il importe que cet immense potentiel soit harnaché et maîtrisé pour être en mesure de combattre l’exclusion grandissante de portions de plus en plus importantes de la population québécoise.

Pour ce faire, il faut porter notre regard sur l’horizon, proposer des choix judicieux, faire preuve d’originalité afin que l’ensemble de la société québécoise puisse relever les défis posés par la société de l’information. Le Québec est condamné à innover s’il veut se tailler une place dans cette nouvelle économie. En effet, un trop grand mimétisme avec les politiques américaines marquées par le néo-libéralisme nous desservirait; elles ne reflètent d’ailleurs pas les valeurs et les préoccupations de la société québécoise. Tout en s’appuyant sur les secteurs représentant l’économie formelle, l’État doit aussi soutenir de façon ferme et sans équivoque les initiatives mises de l’avant par les organismes oeuvrant dans l’économie sociale. Ce serait là une première façon d’imprégner un développement différent et original qui stimulerait l’émergence de nouveaux usages, de nouveaux outils et de nouvelles façons de faire.

L’esprit d’innovation et le souffle créatif qui caractérise tous les acteurs de la société québécoise ont permis de réaliser des avancées notoires notamment dans les domaines de l’informatique et des nouvelles technologies. La situation particulière du Québec sur le continent américain et ses préoccupations linguistiques ont permis, entre autres, à des projets comme «Babel», de l’entreprise Alix, de voir le jour. De nombreuses jeunes entreprises laissent déjà leur marque sur ce terrain que l’on pense à SoftImage ou à Cerveau pour ne nommer que celles-là.

Il ne faut toutefois pas négliger l’appropriation des nouvelles technologies par l’ensemble de la population. Déjà en 1985, cette question suscitait un large consensus. Les réseaux de l’éducation formelle et non formelle ont à cet égard un rôle essentiel à jouer et l’État doit soutenir les initiatives autant dans le réseau scolaire que dans les organismes sociocommunautaires. De plus, les organismes oeuvrant dans l’économie sociale déploie déjà des trésors d’imagination et de débrouillardise, malgré le peu de ressources dont ils disposent, pour investir eux aussi le domaine des nouvelles technologies.

L’État se doit donc d’encourager et de soutenir des initiatives et des projets diversifiés qui permettent de créer des emplois, des projets ou des entreprises autant dans les secteurs de l’entreprenariat collectif que privé. La mise en place d’une politique équitable, transparente et assortie de mesures spécifiques facilitant l’émergence, la réussite et la pérennité de projets issus de l’économie sociale constituerait une avenue à privilégier.

L’État doit également intervenir pour assurer une véritable égalité des chances. Les dangers quant à la privatisation de l’information, de la connaissance et du patrimoine culturel menacent autant notre identité culturelle que la capacité des citoyens de prendre part à la vie de leur communauté, de s’éduquer, de s’informer, ou de participer aux affaires de la Cité.

L’implantation de services personnalisés accessibles à distance, et ce, autant en matière d’éducation, de santé, de service public ou d’information gouvernementale, représente une avenue prometteuse permettant d’échapper aux limites de la distance et de l’isolement géographique dans la mesure où elle s’inscrit, non dans un cadre de surveillance, de contrôle ou de lutte à la fraude qui rompt le contrat social existant entre l’État et le citoyen, mais bien dans la perspective de faciliter les rapports entre l’État et le citoyen.

L’État doit aussi dépasser la conception de l’utilisateur-modèle. Cette vision, trop étroite et trop axée sur une problématique «économiste», ne permet pas d’embrasser l’ensemble des possibilités offertes par les inforoutes. Les nouvelles technologies de l’information et des communications peuvent en effet améliorer la qualité des rapports entre le citoyen et l’État, ainsi que la participation à la vie démocratique dans la mesure où ils peuvent prendre part aux décisions, où les citoyens contrôlent les informations qui circulent sur eux, où la protection des renseignements personnels est assurée, et où une pluralité de points de vue s’exprime.

L’adoption et la mise en oeuvre d’une politique globale en matière d’inforoutes suppose de disposer d’un ensemble de leviers de pouvoirs que ne détient pas le gouvernement du Québec. À cet égard, nous avons la nette impression que le Québec est défavorisé dans la mise en oeuvre des politiques fédérales en matière d’inforoute. Mentionnons un seul exemple: le programme d’accès communautaire du gouvernement fédéral a ainsi permis d’ouvrir, en milieu rural, 61 centres en Ontario, 29 au Nouveau-Brunswick et, 33 au Québec.

Nos recommandations

Que l’État québécois élabore une politique globale en matière de développement de l’inforoute et qu’il la soumette à un large débat public.

Cette politique devra s’appuyer sur des valeurs démocratiques d’égalité des chances et avoir pour objectif le développement des personnes et des collectivités, aux plans tant social que culturel et économique.

Elle devra aussi affirmer le rôle prépondérant de l’État et du secteur public dans la mise en oeuvre et le déploiement de l’inforoute, tout en s’appuyant et en favorisant les initiatives du secteur privé, comme ceux des secteurs communautaire et de l’économie sociale.

L’État québécois devra se doter des leviers de pouvoirs nécessaires lui permettant de mettre en oeuvre cette politique.