Texte de réflexion, présenté lors de l’assemblée générale annuelle de Communautique, en février 2001. Portrait du nouveau secteur en émergence en économie sociale constitué d’organismes dont les activités sont reliées de multiples fâçons à l’appropriation des TIC.

Préparé pour le Chantier de l’économie sociale, Décembre 2000

Sommaire

Un secteur en émergence

L’introduction et l’intégration accélérées des technologies de l’information et de la communication (TIC) ont provoqué de nombreux changements structurels. Cette nouvelle vague a notamment fait naître toute une série de nouvelles entreprises ; pensons aux « .com » dont on entend parler tous les jours. Parallèlement, l’arrivée des TIC a aussi impulsé la création d’OBNL, d’entreprises d’économie sociale et de coopératives qui oeuvrent actuellement dans ce secteur.

Ces associations interviennent sur plusieurs plans : soutien technique, soutien au développement informatique et des réseaux locaux, recherche et développement, création et mise à jour de sites Web, développement d’applications ou de bases de données, formation, recyclage ou montage d’ordinateurs, accès à Internet, analyse et réflexion sur les enjeux, accès public, animation et initiation de la population, etc.

Certains de ces organismes interviennent en tant que ressource technique pour permettre l’intégration et l’utilisation des TIC par le mouvement associatif et d’économie sociale. D’autres agissent plus particulièrement au niveau local comme centre d’accès communautaire à Internet ou, de façon sectorielle en travaillant avec des groupes ciblés. D’autres encore, interviennent au niveau régional, en offrant, par exemple, des services de fournisseur d’accès à Internet.

Composé des centaines d’organismes et associations

Au cours des dernières années, le programme d’accès communautaire du gouvernement fédéral a permis la création de plus de 500 centres d’accès communautaire Internet (CACI) dans les municipalités de moins de 50 000 habitants. L’élément urbain de ce programme, lancé au début de l’an 2000, devrait permettre l’ajout de plusieurs centaines de CACI dans de nombreuses villes du Québec notamment Montréal, Chicoutimi, Hull, Jonquière, Laval, Longueuil, Québec, Sherbrooke, etc. Un estimé rapide nous indique que plus de 1 000 CACI seront déployés à travers le Québec.

Bon nombre de ces centres pourraient potentiellement se transformer en entreprises d’économie sociale en développant et en tarifant certains services. Toutefois, les différents paliers de gouvernement doivent y investir ainsi que développer des outils et des programmes adaptés afin que ces organisations deviennent des entreprises d’économie sociale, qu’elles acquièrent une pérennité et surtout, qu’elles puissent contribuer à créer des réseaux citoyens d’utilisation des TIC.

À cela s’ajoute tous les organismes, entreprises d’économie sociale et coopératives qui interviennent aujourd’hui dans le secteur des TIC. En voici un portrait non exhaustif :

Au niveau local : Le Centre RIRE 2000 à Québec, Le Centre Internet communautaire L’@venue dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, Le Centre Internet communautaire L’@uberge à Verdun, le groupe L’Itinéraire dans le quartier Centre-Sud, l’ensemble des Centres d’accès communautaire à Internet (CACI) en milieu rural et ceux qui soient en voie d’être mis sur pied en milieu urbain, les CDEC ainsi que certaines tables de quartier qui soutiennent et participent à ce développement.

Au niveau régional : Pensons à l’Association interculturelle de l’Estrie (AIDE) et à des organismes tels Économie communautaire de Francheville (ECOF) de Trois-Rivières, ATENA Groupe conseil de Rimouski, La CDÉC de Québec, le Collectif régional d’éducation sur les médias d’information (CREMI) à Sherbrooke, la Corporation de développement communautaire (CDC) d’Amos qui sont impliqués dans le projet « Points d’accès – Inforoute – Initiation de la population » piloté par Communautique.

Au niveau provincial : Communautique constitue présentement le seul organisme généraliste qui intervient spécifiquement sur les différents aspects des TIC.

Au niveau sectoriel : Pensons au Centre de documentation en éducation des adultes et en condition féminine (CDEACF) avec les groupes d’alphabétisation et les groupes de femmes, au Studio XX avec les groupes de femmes, au Centre de communication adaptée avec les personnes handicapées, à l’organisme « Des jeunes chez eux partout » avec les jeunes des HLM, à la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles avec les groupes intervenant en santé et services sociaux, au Réseau de protection du consommateur avec les Associations coopératives d’économie familiale (ACEF), à la Fédération québécoise des centres communautaires de loisir, à l’Institut canadien d’éducation des adultes (ICEA).

Des organismes (OBNL et coopératives) à vocation technologique : Pensons à La Puce ressource informatique, à Capella Technologies, à Insertech (anciennement CIFER Angus), au Centre de formation Angus, à Communications Accessibles Montréal (C@M Internet), etc.

Sans compter les nombreux groupes communautaires de différents réseaux d’intervention et d’action communautaire qui intègrent des activités Internet à leurs pratiques, mettent sur pied des laboratoires, des centres d’accès ou des points d’accès public.

Toutes ces organisations participent au développement économique, technologique et social en ce qui concerne les TIC.

Des centaines de nouveaux emplois diversifiés dans un secteur de pointe

L’ensemble de ces actions et interventions génère quantité de nouveaux emplois en gestion de réseau, en développement d’applications logicielles ou de solutions techniques adaptées, en soutien technique, en rédaction et conception de sites Web, en animation, en formation, etc.

A titre d’exemple, prenons le projet « Points d’accès – Inforoute – Initiation de la population » piloté par Communautique qui a permis la création de vingt-et-un emplois, les centaines de CACI qui emploient d’une à deux personnes par centre, les coopératives et organismes à vocation technologique qui embauchent des dizaines de personnes.

Plusieurs centaines de nouveaux emplois pourraient être créés et s’ajouter aux emplois existants si ce secteur bénéficiait d’un soutien tangible et d’un plan d’action structuré. Nous parlons ici d’un potentiel de 400 à 700 emplois dans un délai d’un an.

Nous avons jusqu’à présent traité des « nouvelles » entreprises issues du secteur des TIC. Mail il faut aussi mentionner que, tout comme dans le secteur privé, certaines coopératives et certains OBNL déjà établis vont concevoir des projets d’entreprises d’économie sociale dans le domaine des TIC. À titre d’exemple, prenons cette ressourcerie qui a préparé une formation en ligne sur la gestion des produits toxiques. Ces projets également, s’ils sont appuyés et reposent sur des financements mixtes, seront porteurs et créateurs d’emplois.

Pourquoi soutenir le développement de ce secteur ?

Nous n’avons pas besoin d’élaborer longuement sur les impératifs qui devraient présider à cette action. Ne pas appuyer ce secteur qui favorisera l’intégration effective des TIC dans notre société résulterait en une « fracture numérique », en un fossé de plus en plus profond entre les inforiches et les infopauvres, en un écart accru entre les milieux ruraux et urbains. Les TIC deviendraient ainsi, non pas un facteur de développement, mais un facteur supplémentaire d’exclusion. Le prix à payer pour un tel résultat sera alors énorme.

Les TIC sont et seront, au cours des prochaines années, un secteur en plein développement. Cette croissance ne devrait pas être limitée au seul commerce électronique généré par l’entreprise privée. L’économie sociale y a toute sa place. Partout à travers le monde, cette tendance se développe et se consolide. En témoigne les résultats d’une rencontre internationale réunissant les représentantEs d’organisations citoyennes de plus de cinquante pays tenue récemment à Barcelone.

De plus, les pays du G-8 ont réaffirmé dernièrement l’importance d’appuyer ce mouvement afin de contrer la « fracture numérique ». Des pays tels la France et l’Angleterre mettent en place différentes mesures pour contrer l’exclusion numérique. Le Québec ne devrait pas tarder ; il devrait leur emboîter le pas car, il en va de notre développement économique et social. L’organisme Communautique est prêt, bien humblement, à jouer un rôle de leadership dans la structuration et la consolidation de ce secteur.

Comment soutenir le développement d’entreprises d’économie sociale dans ce secteur ?

Un montage financier devrait être envisagé. Le gouvernement du Québec pourrait contribuer soit sous forme de financement de l’accès citoyen à Internet, soit sous la forme d’achat de services auprès de ces entreprises.

Les associations qui oeuvrent dans le secteur des TIC ne deviendront pas toutes des entreprises « marchandes » d’économie sociale. Certaines vont demeurer non marchandes, c’est-à-dire qu’elles ne vont pas tarifer leurs services et n’auront pas d’entrées de revenus autonomes. En outre, si l’on travaille uniquement avec les populations défavorisées socio-économiquement, il est fort difficile de penser à tarifer les services. D’autres auront des structures de financement mixtes combinant financement public, contrats et revenus autonomes. C’est souvent la réalité et l’histoire spécifique de chaque organisme qui détermine ces choix.

Par ailleurs, nous pouvons aussi penser en toute logique que progressivement, plusieurs des entreprises d’économie sociale oeuvrant dans le secteur des TIC, investiront également le champ de la production de contenus et le développement de nouvelles applications.

Adapter les outils et programmes existants : quelques pistes

Pour le gouvernement du Québec, cela pourrait prendre des formes assez simples. Dans plusieurs cas, il s’agirait d’adapter des outils déjà existants.

Quelques exemples :

  • Une partie du Fonds de l’autoroute de l’information pourrait être réservée aux projets d’économie sociale.
  • Le programme « Brancher les familles » pourrait être ouvert aux OBNL et aux coopératives.
  • Le crédit d’impôt géré par le ministère de l’Industrie et du Commerce pouvant atteindre jusqu’à 40 000$ pour la réalisation d’un site Web transactionnel pourrait être ouvert aux projets des entreprises d’économie sociale sous forme de subventions.

Finalement, le gouvernement du Québec devrait envisager la création d’un Fonds d’aide aux entreprises d’économie sociale oeuvrant dans le domaine des TIC afin de soutenir le maintien et la création d’emplois dans ce secteur.